La respiration du feu

La respiration du feu

La respiration du feu (agni pran) est fréquemment utilisée dans la pratique du Kundalini Yoga. Avec la respiration simple et la respiration longue et profonde (respiration yogique), elle fait partie des respirations de base qui accompagnent de nombreuses postures.

Voir également: 1) les mécanismes de la respiration du feu, 2) les bienfaits de la respiration du feu et 3) pour débuter la respiration du feu.

Ce qui la décrit certainement le mieux est l’image du halètement chez le chien. Cette image est vraiment aidante quand il s’agit d’expliquer et de comprendre rapidement la technique.

Tout comme pour le chien, le rythme de la respiration est rapide et continu, l’amplitude du geste modérée, la dynamique est clairement expiratoire et non inspiratoire. On peut cependant noter quelques différences. Elle n’est pas pratiquée la bouche ouverte et la langue pendante (quoi que cela puisse être demandé), mais plutôt par le nez, bouche fermée. Mais ses objectifs diffèrent également. Le halètement chez le chien est un comportement naturel qui vise à le rafraîchir et à diminuer sa température corporelle. Il est fréquent qu’un chien halète après un exercice physique ou lorsqu’il fait chaud mais c’est également le cas lorsque le chien est stressé ou qu’il a peur. La respiration du feu n’est pas rafraîchissante, comme le laisse entendre son nom, elle a au contraire comme objectif de générer de la chaleur, de l’énergie, du feu.

La symbolique du feu est riche et forte. Le feu renvoie à un essaim de qualificatifs: chaud, brûlant, lumineux, ardent, irradiant, digérant, purifiant, destructeur, fusionnant. Il est aussi associée à diverses images concrètes, telles que le soleil comme source de la vie, la braise ravivée, la flamme de la bougie qui dissipe l’obscurité, la foudre ou l’incendie qui détruisent et ravagent. C’est aussi le feu de la passion amoureuse, cette chaleur partagée qui enflamme les corps et les esprits. Le feu calorique de l’alchimiste qui éprouve, purifie et transmute. Le feu qui consume l’impur, l’antérieur et le profane pour amener le pratiquant, tel le Phénix, à renaître à une nouvelle existence. Le feu spirituel qui éclaire, permet à l’œil de voir et au cœur de comprendre. Etc…

Dans la tradition du yoga, le feu « agni » (अग्नि) est à mettre en relation avec un autre mot, lui aussi chargé de sens : « tapas » (तपस्), que l’on traduit communément par ascèse. L’ascèse est une pratique qui préfigure et annonce ce que nous désignons comme le yoga, surtout lorsqu’on entend ce mot « ascèse » (ἄσκησις, askêsis) au sens de son étymologie grecque: exercice, entrainement, discipline, effort sur soi-même. Le mot tapas est pour sa part dérivé d’une racine sanskrite qui évoque un échauffement, un dégagement de chaleur associé à un effort, une brûlure intérieure créatrice.

De très nombreuses pratiques ont pour vocation d’engendrer cette force comparable à un feu, purificateur et illuminant. L’Inde recèle de ces pratiquants qui par les austérités les plus diverses n’ont en réalité qu’un but, celui d’embraser, par des efforts extrêmes, le feu intérieur. Certains restent debout sur une seule jambe ou les bras en l’air, dans une immobilité rigoureuse jusqu’à ce que les oiseaux viennent se nicher dans leur chevelure, d’autres demeurent impassibles sous un soleil torride, ou supportent l’extrême froid, ou encore s’impose des veilles ou des jeunes, gardent le silence ou, ce qui nous rapproche davantage du yoga, tentent de contrôler leur respiration.

Chez Patanjali, c’est également ce sens de tapas qui apparaît. Tapas est conservé comme l’une des cinq disciplines (niyama) constituant la deuxième étape (anga) du Yoga Royal : « Grâce à tapas (ascèse/feu) nous détruisons les impuretés et nous atteignons la perfection du corps et des sens. » (Yoga-Sutra II, 43)

Les pratiques et les secrets pour développer cette chaleur intérieure, ne sont pas restés enclavés dans l’univers indien, ils se sont exportés avec beaucoup de succès. Preuve en est toute la richesse des enseignements que l’on retrouve dans le bouddhisme tibétain sous l’appellation de « toumo ». Ce « yoga de la chaleur intérieur » tout comme le « yoga du rêve et du sommeil », fait partie d’un ensemble de pratiques méditatives tantriques du Bouddhisme Vajrayana tibétain, transmises oralement et rassemblées par le Mahasiddha Naropa. Cet art est réservé aux yogis avancés, transmis directement d’un Maître à son disciple, car il s’accompagne d’exercices physiques, de visualisations complexes, de méditations, de respirations et nécessite le perfectionnement de nombreuses pratiques préliminaires. On comprend l’intérêt d’une telle technique dans un contexte où les ascètes tibétains avaient (et ont) l’habitude de méditer dans des grottes de l’Himalaya, en haute altitude, vêtus d’une simple robe de coton. Mais, comme on l’a compris, les vertus de ce feu intérieur ne se limitent pas à ce seul aspect, cependant très utile. Le but est avant tout spirituel, il tend à la production d’un état d’unité, de plénitude, et ultimement à la libération.

C’est dans cette vaste richesse ancestrale que s’inscrit la pratique très explicitement désignée par la « respiration du feu » dans le Kundalini Yoga.

Elle ne comporte pas les aspects ascétiques évoqués précédemment. Au contraire, avec un peu d’entrainement, la respiration du feu devient plaisante, aisée et relaxante. Et cependant, sous ses abords anodins et accessibles, cette respiration purifie et édifie. Par friction ou, plus exactement par barattage, elle ne vise pas d’autres objectifs que d’attiser le feu latent, consumer les obstacles, réveiller une énergie irradiante, épurer le corps et l’esprit et amener à la perfection.

« Le feu réside caché dans la terre, dans les plantes, et les eaux le charrient. Le feu est dans la pierre. Il y a un feu enfoui profond dans l’homme, un feu dans les vaches, un feu dans les chevaux. » (Atharvaveda, XII, 1, 19-20)


En vidéos, sur la chaîne YouTube Yoga Ekongkar :

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