Mécanismes de la respiration du feu

Les mécanismes de la respiration du feu

La respiration du feu (agni pran) est fréquemment utilisée dans la pratique du Kundalini Yoga. Avec la respiration simple et la respiration longue et profonde, elle fait partie des respirations de base qui accompagnent de nombreuses postures. Comme l’indique son nom, elle vise à générer de la chaleur, de l’énergie, du feu (pour en savoir plus sur la respiration du feu).

« Soufflez avec insistance et laissez-vous inspirer »

Il s’agit d’une respiration dont le rythme est continu et rapide, 2 à 3 cycles respiratoires par seconde. Le temps de l’expiration est sensiblement équivalent à celui de l’inspiration, et il n’y a pas de pause, poumons pleins ou poumons vides.


L’expiration est « active » et l’inspiration « passive »

Sa caractéristique principale est que la dynamique du mouvement est essentiellement portée sur l’expiration. Les expirations sont rapides et énergiques, et se succèdent « en rafale ».

Du point de vue de l’action musculaire, l’expiration est réalisée par la contraction des muscles abdominaux, qui remontent la masse abdominale vers le thorax, soulevant le diaphragme (qui demeure décontracté) et repoussant ainsi les poumons de bas en haut. L’inspiration, à ventre bombé, se fait sans contraction musculaire, elle naît du simple relâchement (du lâché) des muscles abdominaux. L’expiration est « active » et l’inspiration « passive ».

Le mécanisme de la respiration du feu est donc le contraire de ce qui se passe ordinairement dans la respiration simple et naturelle. Dans la respiration simple, parfois appelée « respiration diaphragmatique », l’inspiration est dite « active » car elle nécessite une contraction musculaire (celle du diaphragme), tandis que l’expiration est « passive », sans action musculaire, réalisée de par la seule force élastique du poumon qui après avoir été étiré reprend ses dimensions initiales.

Dit autrement : la respiration simple est réalisée avec une contraction du diaphragme et sans intervention des muscles abdominaux. La respiration du feu est réalisée avec une contraction des abdominaux, sans intervention du diaphragme.


Le repos du guerrier (diaphragme)

Durant la respiration du feu le diaphragme n’intervient pas activement (il ne se contracte pas), ni à l’inspir, ni à l’expir. C’est une opportunité rare qui lui est offerte de cesser son activité. Car en réalité, le diaphragme, à l’image du muscle cardiaque, fait partie de ces grands guerriers qui de jour comme de nuit, tout au long de la vie, pourvoient inlassablement aux besoins du corps et pérennisent son existence. On compte de 17.000 à 28.000 contractions du diaphragme par jour chez l’adulte.

Le temps de pratique de la respiration du feu devient ainsi pour le diaphragme un moment de repos et de relaxation. C’est aussi pour lui un soin puisque, tantôt repoussé vers le haut (vers la tête), tantôt vers le bas (vers le bassin), il se laisse passivement masser et étirer au rythme du mouvement.


L’action des abdominaux…

Dans la respiration du feu, l’action des muscles abdominaux entrainent un resserrement de la taille. Cette action est dite « viscérale » et non « squelettique » puisque la colonne vertébrale, les côtes et le bassin ne sont, à priori, pas mobilisés.

Parmi les muscles abdominaux, c’est principalement le muscle transverse qui a cette capacité d’action viscérale. De par la disposition de ses fibres, il resserre le diamètre de l’abdomen. La coordination de son action avec les autres muscles abdominaux, et plus largement avec tous les muscles du caisson abdominal, est cependant requise. Car si l’action du transverse domine, les viscères sont aussi bien refoulés vers le haut que vers le bas. Le transverse a cette caractéristique de resserrer la taille en « sablier », ce qui peut engendrer une forte pression sur les viscères les plus bas de l’abdomen, ceux du petit bassin et expose au prolapsus (une « descente d’organes » en langage courant).


La respiration du feu est un travail postural

Considérant qu’idéalement l’ensemble des abdominaux sont plus ou moins impliqués, et que le résultat de leurs actions coordonnées n’est que « viscérale » (sans mouvement squelettique), il apparait que la respiration du feu est un excellent exercice pour maintenir le grandissement postural.

Les abdominaux sont un groupe de quatre paires de muscles : les transverses (précédemment évoqués), les petits obliques, les grands obliques et les grands droits. A l’exception des transverses qui n’ont qu’une action « viscérale », tous les autres fléchissent la colonne vertébrale en abaissant la cage thoracique, la rapprochant du bassin. Si lors de la pratique de la respiration du feu on n’observe pas ce mouvement de flexion cela révèle que les muscles érecteurs de la colonne vertébrale sont impliqués et ainsi que la respiration du feu peut être considérée comme un véritable travail postural d’auto-grandissement.


Les nombreuses forces en jeu

Analysons les forces en jeu lors de la respiration du feu, et constatons qu’elles sont nombreuses et diverses.

Expiration

  • La pression expiratrice est réalisée par le travail des muscles abdominaux qui refoulent la masse abdominale dans la cavité thoracique. Le rythme de la respiration du feu étant rapide, on ne peut probablement pas penser qu’il y ait une « coordination remontante » de tous les muscles du caisson abdominal, comme dans la respiration yogique. Cependant cette pression principalement ascendante demeure souhaitable afin de limiter la tendance prolapsante sur les viscères les plus bas. Ainsi, idéalement, tous les muscles abdominaux (pas seulement les transverses) sont impliqués et une tonicité accrue des muscles pelviens est observée.
  • Les poumons sont comprimés et le tissu pulmonaire, replié sur lui-même, résiste à cette compression.
  • Le diaphragme n’exerce aucune pression, il est décontracté.
  • De nombreux groupes musculaires travaillent au maintien postural et résistent aux forces (générées par les abdos) qui tendent à abaisser la cage thoracique et à fléchir le tronc. La cage thoracique est maintenue ouverte par les muscles inspirateurs costaux et la colonne vertébrale demeure érigée par l’action des muscles spinaux, érecteurs du rachis.

Inspiration

  • Les muscles expirateurs, en l’occurrence les abdominaux, se décontractent et, en conséquence, n’exercent plus aucune pression.
  • Les poumons qui étaient comprimés, et le tissu pulmonaire qui était replié sur lui-même, reviennent à une position non comprimée sous l’effet de leur propre élasticité.
  • Dans toutes les positions où l’abdomen se situe sous le thorax, la pesanteur ramène la masse abdominale dans sa position initiale (celle qui précède l’expiration). Cette masse entraine le diaphragme qui descend passivement et tracte les poumons en direction du bassin. Dans les autres positions, ce mécanisme diffère, il peut par exemple être accentué (à quatre pattes), amoindrit (couché), voir même inversé (position tête en bas). Dans cet article, la description du geste et l’étude des forces en jeu ne concernent jamais ce dernier cas.
  • Le diaphragme n’exerce aucune pression, il est décontracté.

Regard sur les volumes pulmonaires

Si l’on se réfère à la subdivision en différents volumes pulmonaires (voir: les volumes et capacités pulmonaires), les mouvements d’inspiration et d’expiration de la respiration du feu se pratiquent dans le « volume de réserve expiratoire » (VRE). C’est-à-dire que cette respiration brasse le volume d’air qu’il est naturellement possible d’expirer après une expiration dite normale.

Ainsi, et c’est parfois l’erreur de certain débutant, la respiration du feu ne se pratique pas du tout, même partiellement, dans l’espace dévolu à la respiration simple et naturelle, c’est-à-dire dans le « volume courant » (VC), ce qui impliquerait une part d’inspiration active nécessitant une contraction du diaphragme.

Le volume d’air expiré ou inspiré à chaque cycle d’une respiration du feu dépend beaucoup d’un pratiquant à l’autre, le geste respiratoire pouvant être de plus ou moins grande amplitude. Sachant que, selon la corpulence de la personne, le volume de réserve expiratoire (VRE) est d’environ 1 ou 1,5 litre d’air, et sachant que l’expiration de la respiration du feu n’est pas poussée à son maximum, on peut estimer que le volume d’air expiré ou inspiré à chaque cycle varie de 500 millilitres à 1 litre.


A retenir

La respiration du feu se résume dans cette injonction : « Soufflez avec insistance et laissez-vous inspirer ». Elle se caractérise par une expiration « active » (conséquence d’un travail musculaire) et une inspiration « passive » (conséquence d’un relâchement musculaire).

Le travail musculaire en question est celui des abdominaux. Idéalement, afin de limiter une hyperpression sur le périnée et les organes du petit bassin, le muscle transverse, dominant pour resserrer la taille, se doit d’être accompagné par les autres muscles abdominaux. Le rythme rapide laisse à penser qu’il n’est cependant pas possible de réaliser une « coordination remontante » de tous les muscles du caisson abdominal comme dans d’autres types de respiration.

Le diaphragme est toujours passif, il ne se contracte jamais. Ainsi la respiration du feu est pour lui un temps de repos durant lequel il se laisse masser et étirer.

La respiration du feu (qui l’eut cru !) est également un excellent travail postural. Les muscles impliqués pour réaliser l’expiration sont de puissants fléchisseurs de la colonne vertébrale. Si celle-ci garde sa rectitude, c’est parce qu’un véritable travail de grandissement postural est également à l’œuvre.

La respiration du feu brasse une partie du volume d’air qu’il est naturellement possible d’expirer après une expiration dite normale. Il s’agit là d’un « espace respiratoire » particulier. Si la respiration du feu est réalisée dans un autre « espace respiratoire » que celui-là, alors… c’est une autre respiration qui peut-être ne porte plus le nom de « respiration du feu », et tous les jeux d’actions et de forces décrits dans cet article sont à réécrire.


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