[Vidéo] L’histoire du yoga de Pashupati à Patanjali

L’histoire du yoga est une fascinante épopée qui s’étend sur des millénaires, plongeant ses racines dans l’ancienne civilisation de l’Inde. Le yoga, bien plus qu’une simple pratique physique, est un système complexe de philosophie, de spiritualité et de discipline mentale et physique. Son évolution a été façonnée par une mosaïque de textes anciens, de traditions orales, et de penseurs visionnaires. En voici un premier aperçu, des origines jusqu’aux débuts de notre ère et la première synthèse proposée par les Yogas Sutras de Patanjali.


Le texte de cette page est une traduction aménagée de cette vidéo que je vous encourage à regarder par ailleurs (avec éventuellement le sous-titrage automatique en français qui est d’une assez bonne qualité). Les illustrations ci-dessous proviennent de l’article d’Oleg Kuzmint sur www.bahiranga.com

Sceau de Pashupati

En 1928, sur le territoire du Pakistan moderne, des archéologues ont découvert ce sceau en stéatite. Ancien d’environ 4 000 ans, il représente, selon de nombreux indologues, Shiva méditant en Bhadrasana. Ce serait apparemment la plus ancienne trace de la pratique du Yoga.

Vedas

Le yoga plonge également ses racines dans les Vedas, les plus anciennes écritures indiennes (contenant des hymnes, des mantras, des prières) ; ils sont encore utilisés lors des services de culte.

Les Vedas appartiennent à la catégorie des shruti, c’est-à-dire « ce qui est entendu ». Ce sont des révélations divines d’une connaissance éternelle. Pendant des centaines d’années, ils ont été transmis de bouche à oreille avant d’être incorporés dans de volumineux livres en sanskrit.

Ainsi, dans le 10ème mandala du tout premier des quatre Vedas, le Rig Veda, il y a l’hymne Kesin dans lequel « les ascètes aux cheveux longs, vêtus de poussière, errant à travers le monde et étant amis avec les dieux… », sont chantés. Ce sont les tout premiers yogis.


Upanishads

La pensée philosophique de l’hindouisme, née des Vedas, est activement développée dans les Upanishads. On compte au total 108 Upanishads canoniques dont 13, les plus anciennes et faisant autorité, sont considérées comme principales.

Le mérite des Upanishads est la libération de la ritualité du brahmanisme védique et la transition vers la nature philosophique de la pensée. Toutefois, une telle transformation ne serait pas possible sans la capacité unique de l’Inde à s’adapter et à assimiler de nouvelles théories et pratiques. Il s’agit d’un excellent exemple de coopération entre tradition et d’innovation.

Quant à la chronologie des textes indiens anciens, elle est difficile. Les idées ont été empruntées et développées au fil des siècles, les textes ont été réécrits et chaque auteur a apporté sa propre contribution. Par conséquent, une datation plus ou moins précise ne commence qu’au début de l’ère commune.

Le mot Yoga lui-même apparaît pour la première fois dans Katha Upanishad et Taittirīya Upanishad. Dans Shvetashvatara Upanishad, les bienfaits du yoga sont répertoriés : « Légèreté, santé, stabilité, un visage clair, une voix agréable, une odeur douce » et même des recommandations pour choisir un lieu de pratique sont données :

« Dans un endroit propre et plat, exempt de cailloux, de feu et de graviers, agréable par ses bruits, son eau et ses tonnelles, propice à la pensée, sans offence pour l’oeil, dans un espace à l’abris des regards et protégé du vent, il convient de pratiquer le Yoga. » Shvetashvatara Upanishad (2.10) – 500 avant notre ère

Dans le deuxième chapitre de Katha Upanishad, une métaphore du char décrit l’interaction des sens, du corps, de l’esprit, de l’intellect et de l’âme d’une personne. Il est intéressant de noter qu’à cette époque, dans la Grèce antique, Platon utilise une métaphore similaire dans l’un de ses dialogues

« Sachez que l’Atman est le passager dans le char et que le corps est le char. Sachez que Buddhi est le conducteur du char et Manas sont les rênes. Les sens sont les chevaux, les objets des sens sont leurs chemins. Cette union de l’Atman, des sens et de Manas, est apellée le « jouisseur » Katha Upanishad (1.3.3-1.3.4) – 600 avant notre ère

Dans le sixième chapitre de Maitrayaniya Upanishad, il est question des cinq membres qui formeront plus tard la base du yoga classique de Patanjali. Dans Mandukya Upanishad, l’un des thèmes les plus importants est le son sacré OM.

Parmi les dernières Upanishads principales, il existe un groupe de textes purement yogiques. Le yoga y est proposé sous 4 éclairages : le Mantra Yoga (chant de mantras), le Laya (yoga de la dissolution de la conscience), le Hatha (qui se concentre sur les pratiques physiques) et le Raja Yoga (la somme de tous les types de yoga, proposant sa forme et son objectif les plus élevés). Pour la première fois, quelques asanas avec des instructions spécifiques pour leur exécution sont mentionnées. La plupart d’entre elles sont des poses méditatives sédentaires. Enfin, dans le Yogakundalini Upanishad, la physiologie mystique de l’homme est examinée de la manière la plus détaillée.

Dans les Yoga Upanishads, vous pouvez également trouver : la liste des obstacles que rencontrent les débutants, une description de la pratique du pranayama, avec un accent sur kumbhaka (rétention de la respiration), des infos sur les bandhas et mudras, ainsi que sur la survenue des siddhis (capacités surnaturelles).

En général, ces Upanishads sont déjà des manuels pratiques qui ont rendu le yoga accessible aux gens ordinaires. Car initialement, la philosophie des Vedas et des premiers Upanishads n’était pas accessible à tout le monde, en raison de sa complexité, mais aussi à cause des limitations imposée par le système des castes. Cependant, malgré tout le caractère pratique des Yoga Upanishads, ils soulignent spécifiquement que pour une véritable libération, la pratique seule ne suffit pas: la connaissance et la pratique étant la clé du succès.


Bhagavad Gita

La Bhagavad Gita est un récit qui nait sur un champ de bataille. Deux armées, prêtes à entamer le combat se font face et attendent le signal du début des hostilités. Arjuna, un des guerriers Pandavas, voyant dans les rangs de ses ennemis beaucoup de ses parents et amis, est désespéré. Il se tourne vers son ami et conducteur de char Krishna pour obtenir ses conseils.

Krishna explique que le corps n’est qu’un lieu temporaire pour l’âme (Atman – authentique, éternelle et immuable). L’anxiété de l’esprit, la passion et le désir créent une illusion de coquille (maya) masquant l’âme et liant la personne à la matière.

La nature (ou Prakriti) est l’origine matérielle de ce monde et se déroule en 24 éléments: cinq éléments de base (terre, eau, feu, air et éther) ; le non manifesté ; intelligence ; ego et esprit ; dix sens (activité de perception) ; cinq objets sensoriels (le son, la vue, le goût, le toucher et l’odorat).

La composante spirituelle est Purusha – le royaume de l’esprit, la force vitale et la source de la conscience.

Ensemble, ils forment Brahman, qui, au niveau individuel, est réalisé comme l’Atman, c’est-à-dire l’Âme

Cependant, sous l’influence de la matérialité, Atman « oublie » sa vraie nature. Se « souvenir » d’Elle, connaître sa véritable essence, c’est s’élever jusqu’au point de fusion de l’Atman et du Brahman, de la Personnalité et de l’Univers, de l’Âme et de Dieu. La reconnaissance de l’unité de Brahman et d’Atman est le but principal de l’homme.

« Mais comment y parvenir ? » demande Arjuna. « C’est à cela que sert le yoga », répond Krishna. Il se divise en 3 types : Le Karma Yoga – le yoga de l’action sans attachement aux résultats, où chaque travail est un sacrifice au bien suprême. Le Jnana Yoga – le yoga de la connaissance spirituelle et de la connaissance de soi, la recherche de la vérité. Le Bhakti Yoga – le service de dévotion rendu à Dieu, comprenant que Dieu est tout et, en fin de compte, la réunion avec Dieu.

A la fin de la Gita, Krishna invite une fois de plus Arjuna à prendre conscience de son devoir et à accepter le combat. Surtout s’il s’agit d’une bataille avec vous-même.


Yoga Sutras

Au tournant du millénaire, le sage Patanjali a pris le meilleur du yoga et l’a combiné avec la philosophie Samkhya. Il en résulta le principal texte yogique composé de 196 aphorismes. Le yoga a pris une place honorable dans la philosophie de l’hindouisme, devenant l’un des six darshan (écoles) orthodoxes, et les Yoga Sutras sont devenus le fondement philosophique du « yoga classique ».

Samadhi Pada – Dans le premier chapitre, Samadhi Pada, Patanjali donne la définition : « Yogas chitta vritti nirodhah » – « La retenue des fluctuations de l’esprit est le Yoga ». Alors l’Observateur Intérieur (drashta) demeure sous sa propre forme, sinon il s’identifie à ces fluctuations (vrittis).

Il existe cinq types de vrittis : la connaissance valide (pramana), la fausse connaissance (viparyaya), la spéculation (vikalpa), les rêves et les rêveries (nidra) et les souvenirs (smriti).

La retenue des fluctuations de l’esprit est obtenue par deux approches : le contrôle des états émotionnels (abhyasa) et le désengagement de ceux-ci (vairagya).

Le résultat est un état de compréhension (samprajna), qui s’accompagne de l’émergence d’une opinion (vitarka), d’une analyse (vichara), d’un plaisir (ananda) et d’une expérience de son moi véritable (asmita).

Samprajna (état de compréhension) est parfois donnée à des personnes spéciales dès leur naissance. Mais elles ne sont pas nombreuses. La plupart des gens ont besoin d’une pratique persistante, confiante et énergique pour y parvenir. Il faut lutter contre les troubles mentaux avec la pratique de concentration sur un seul point (ekatattva-abhyasa). Patanjali met cette pratique en premier, mais propose aussi toute une gamme de techniques diverses. Le résultat intermédiaire d’une pratique réussie du yoga est un état d’unité avec l’objet de la méditation (Samapatti). Ainsi, l’objet peut être grossier ou subtil, et sa cognition – discursive ou réflexive. Ces quatre types sont appelés « Samadhi avec graine », c’est-à-dire Samadhi, s’appuyant sur l’objet externe de méditation. La perfection dans le Nirvichara Samapatti donne au pratiquant une lumière de sagesse et de connaissance pure et, après la suppression de toutes les empreintes inconscientes (samskaras), même générées par cet état lui-même, ouvre la voie au Nirbija Samadhi, c’est-à-dire le « Samadhi sans graine », c’est-à-dire sans objet.

Sadhana Pada – Les premiers sutras du deuxième chapitre Sadhana Pada concernent le Kriya Yoga, comme méthode pour réduire les kleshas et développer la capacité d’atteindre le samadhi.

Les Kleshas sont des attachements émotionnels qui colorent les vrittis (fluctuations de l’esprit). S’identifier à son corps (avidya) ou à son point de vue (asmita), s’attacher à ce qui est agréable (raga) ou désagréable (dvesa), s’accrocher à la vie (abhinivesa) – tout cela sont des kleshas. Les Kleshas sont étroitement liés au processus d’accumulation de karma. En raison de la vertu (punya) ou du vice (apunya), l’existence humaine peut être gratifiée de plaisir (hlada) ou marquée par la douleur (paritapa). Cependant, la nature de l’homme est telle que les deux conduisent inévitablement à la souffrance (dukkha).

Patanjali donne une réponse à la question « Comment est-il possible d’éviter les souffrances futures ? » La cause de la souffrance réside dans l’identification de l’observateur (drashta) et de ce qui est observé (drishya). Cette confusion du sujet et de l’objet, du connaissant et du connu, de l’esprit et de la nature, n’est pas seulement la cause de la souffrance, mais aussi la possibilité potentielle de sa compréhension et de sa libération. Le yoga est un moyen pour y parvenir, et près de la moitié du deuxième chapitre est consacré à cinq outils (yama, niyama, asana, pranayama, pratyahara). Ces outils ou moyens sont dit « externes ».

Vibhuti Pada – Au début du troisième chapitre Vibhuti Pada, les moyens « internes » sont expliqués : dharana, dhyana et samadhi. Ensemble, ils forment la partie la plus importante de la pratique du yoga appelée Samyama.

Patanjali décrit ensuite en détail les processus de transformation interne (parinama) du pratiquant samyama. Parinama fait référence à tous les aspects de la pratique : méditatif, cognitif, réflexif, etc.

Ensuite, une énumération des différents pouvoirs psychiques que donnent les pratiques de Samyama est proposée, ainsi qu’un avertissement sur les risques qui en découlent. Le chapitre se termine par des sutras sur la compréhension finale de la réalité, la connaissance absolue et l’obtention de la véritable libération (kaivalya).

Kaivalya Pada – Le quatrième chapitre Kaivalya Pada classe les sources des pouvoirs psychiques (siddhi) et introduit le sujet de la possibilité de s’ouvrir à une nouvelle conscience (nirmana-chitta) par le yogi.

Ensuite, le concept du cycle du karma est expliqué. Selon les actions de la personne, le karma peut être blanc (shukla), noir (krishna) ou noir et blanc (shukla-krishna). Cependant, le karma du yogi n’est ni blanc ni noir (ashukla-akrishna). Les fruits du karma se manifestent à partir des empreintes inconscientes (samskaras) et sous l’influence des forces potentielles (vasana) « mûries » dans la conscience (chitta). Ensuite, il se réalise en pensées, en paroles et en actions qui elles-mêmes constituent une nouvelle contribution au karma, entretenant le cycle.

Dans les sutras suivants, Patanjali approfondit certains aspects philosophiques du yoga. Dans le processus de cognition, la conscience est « colorée » par l’objet, c’est-à-dire qu’une image individuelle (reflet) de l’objet apparaît. À son tour, l’esprit (purusha), qui est inchangé et éternel, connaît la conscience et la « colore ». Ainsi, elle est à la fois sujet de cognition des objets extérieurs et objet de cognition de l’esprit. La conscience ayant vécu ce mélange acquiert la capacité de les distinguer et commence à se libérer du karma. En conséquence: les facteurs matériels (gunas) n’ont plus aucun contrôle sur elle, le cycle du karma est rompu et l’esprit (Purusha) atteint la libération finale (Kaivalya).


En vidéos, sur la chaîne YouTube Yoga Ekongkar :

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