Peut-être pourriez-vous jeter un œil aux articles précédents, où nous avons exploré la rencontre entre Jésus et la Samaritaine à travers cinq réflexions. Dans le précédent, nous avons mis en lumière comment cet échange illustre la nature discrète de l’éveil spirituel, en contraste avec les expériences spectaculaires souvent associées à la transformation intérieure (sommaire des chapitres).
Dans cette continuité, nous allons maintenant approfondir l’idée que l’éveil est accessible à tous, ici et maintenant, même pour ceux qui se sentent éloignés de cette possibilité.
L’épisode de Jésus et la Samaritaine se trouve dans l’Évangile selon Jean, chapitre 4, versets 1 à 42 (à lire ou écouter).
La rencontre entre Jésus et la Samaritaine nous offre une perspective sur l’accessibilité de l’éveil. Cette histoire remet en question notre tendance à repousser l’éveil dans un futur hypothétique ou à le considérer comme réservé à une élite particulière.
La réaction de surprise de la Samaritaine – « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – reflète une attitude que beaucoup d’entre nous adoptons face à la possibilité de l’éveil. Nous nous considérons souvent comme « pas prêts », « pas assez bons », ou « pas assez spirituels » pour vivre une telle expérience. Cette auto-dépréciation devient alors un obstacle majeur à notre croissance.
Cette idée trouve un écho dans les enseignements du maître zen Shunryu Suzuki, qui disait : « Vous êtes parfait tel que vous êtes, et vous pourriez cependant un peu vous améliorer. » Cette phrase paradoxale nous rappelle que notre nature essentielle est déjà complète, même si nous continuons à grandir et à apprendre.
Ce récit met en lumière l’attitude remarquable de Jésus. Il ne porte aucun jugement sur la Samaritaine, mais engage plutôt un dialogue authentique avec elle. Cela nous montre que l’éveil n’est pas conditionné par notre perception de nous-mêmes ou par un quelconque « mérite » présumé.
Dans la tradition soufie, le poète Rumi exprime une idée similaire : « Tu n’es pas une goutte dans l’océan. Tu es l’océan tout entier dans une goutte. » Cette métaphore puissante nous rappelle que notre essence spirituelle est déjà complète et parfaite, indépendamment de nos perceptions limitées de nous-mêmes.
Ce que Jésus perçoit et honore chez la Samaritaine, c’est sa soif intérieure – un désir profond de vérité, de paix et d’absolu. Cette aspiration, universelle, dépasse les frontières de nos limitations apparentes. Elle réside en chacun de nous, transcendant les distinctions superficielles de statut social, d’appartenance culturelle ou de croyances religieuses.
Le sage hindou Ramana Maharshi exprimait cette idée en disant : « La réalisation n’est pas quelque chose à gagner de nouveau. Elle est déjà là. Tout ce que vous avez à faire est de vous débarrasser de la pensée ‘Je ne l’ai pas réalisée’. »
L’éveil, tel qu’il est présenté, n’est pas quelque chose à atteindre après des années de pratique ardue ou réservé à une vie future plus « méritante ». C’est plutôt une possibilité toujours présente, attendant d’être reconnue et accueillie. Il s’agit d’un changement de perspective, d’une ouverture à ce qui est déjà là.
Cette interprétation résonne évidemment avec les enseignements de nombreuses traditions. Par exemple, dans le bouddhisme zen, on parle de la « nature de Bouddha » présente en chacun, attendant simplement d’être réalisée. Le maître Dogen enseignait : « Si vous ne pouvez pas trouver la vérité là où vous êtes, où d’autre espérez-vous la trouver ? »
Et de même:
Dans l’hindouisme, le concept d’Atman suggère que notre véritable nature est déjà divine et éveillée. Comme l’exprime la Chandogya Upanishad : « Tat tvam asi » (Tu es Cela), affirmant l’identité de l’âme individuelle avec le divin.
L’histoire nous invite donc à reconsidérer nos croyances limitantes sur nous-mêmes et sur notre capacité à vivre l’éveil. Elle nous encourage à reconnaître et à honorer notre soif spirituelle, plutôt que de nous focaliser sur nos imperfections perçues. L’éveil n’est pas un état à atteindre, mais une réalité à accueillir.
Cette perspective est libératrice. Elle nous libère de la pression de devenir « quelqu’un d’autre » avant de pouvoir vivre une expérience profonde. Elle nous invite à embrasser notre humanité, avec toutes ses imperfections, comme le terrain même où l’éveil peut fleurir.
Le maître tibétain Chögyam Trungpa Rinpoché exprimait cette idée en disant : « L’erreur fondamentale est de penser que nous sommes en vie, alors qu’en fait, nous sommes en train de mourir. » Cette perspective radicale nous invite à abandonner nos préconceptions sur ce que signifie être « prêt » pour l’éveil.
En fin de compte, le message de cette rencontre est clair : l’éveil est pour tous, ici et maintenant. Il ne s’agit pas de se transformer en une version idéalisée de nous-mêmes, mais d’accueillir pleinement qui nous sommes, avec notre soif de vérité et notre humanité. C’est dans cette acceptation que l’éveil trouve son terreau le plus fertile.
Comme le disait le sage chinois Lao Tseu : « Quand je me suis laissé aller, je suis devenu sage. »
Cette simple phrase capture l’essence de l’approche présentée dans l’histoire de Jésus et la Samaritaine – l’éveil ne vient pas de nos efforts pour nous améliorer, mais de notre capacité à nous accepter tels que nous sommes.
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(Source de l’illustration: George Richmond (1809-1896) – Christ and the Woman of Samaria, Public domain, via Wikimedia Commons, Attribution not legally required – www.commons.wikimedia.org)