Le Raja Yoga, souvent associé aux Yoga Sutras de Patanjali, a été significativement influencé par le bouddhisme ( les parties en italique sont des réflexions postérieures après relecture).
Cette influence se manifeste dans plusieurs aspects de la philosophie et de la pratique du Raja Yoga, reflétant les échanges intellectuels et spirituels riches qui ont eu lieu dans l’Inde ancienne (illustration: user: Alokprasad, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)
Origines et contexte historique
Le Raja Yoga et le bouddhisme se sont développés dans un contexte culturel et philosophique commun de l’Inde ancienne. Le bouddhisme est apparu au VIe siècle avant J.-C., tandis que la codification du Raja Yoga par Patanjali est généralement datée entre le IIe siècle avant J.-C. et le IVe siècle après J.-C. Cette proximité temporelle et géographique a favorisé les échanges d’idées entre ces deux traditions (la datation des Yoga Sutras reste sujette à débat. Bien que la période entre le IIe siècle avant et après J.-C. soit souvent mentionnée, certains chercheurs estiment que les Yoga Sutras pourraient avoir été compilés même plus tard, au IVe ou Ve siècle après J.-C.)
Il est important de noter que le Bouddha lui-même aurait été formé par des maîtres yogis avant d’atteindre l’éveil par ses propres moyens. Certains chercheurs pensent que ces maîtres enseignaient des formes anciennes de yoga et de samkhya. Cette connexion précoce souligne l’interconnexion profonde entre ces traditions dès leurs débuts (le lien entre le Bouddha et les enseignements Samkhya est conjecturé mais non confirmé directement dans les textes bouddhistes. Les maîtres d’ascétisme, tels qu’Alara Kalama et Uddaka Ramaputta, enseignaient principalement la méditation, et non explicitement le Samkhya, mais il est plausible qu’il y ait eu des influences croisées).
Similarités dans les pratiques méditatives
Le Raja Yoga et le bouddhisme accordent une importance centrale à la méditation comme moyen d’atteindre l’illumination. Les techniques de concentration (dharana) et de méditation (dhyana) du Raja Yoga présentent des similitudes frappantes avec les pratiques de méditation bouddhiste, en particulier celles du bouddhisme Theravada (il serait bon de noter que les similarités sont surtout visibles dans les étapes méditatives formelles, mais les fondements philosophiques diffèrent sur la finalité de ces pratiques).
Par exemple, la pratique de l’attention (sati) dans le bouddhisme est comparable à certains aspects de dharana dans le Raja Yoga. Les deux traditions mettent l’accent sur l’observation des pensées et des sensations sans s’y attacher, une pratique qui vise à calmer l’esprit et à développer une conscience plus profonde (bien que les pratiques semblent similaires, sati dans le bouddhisme est un précepte beaucoup plus large, intégrant une attention constante dans la vie quotidienne, alors que dharana dans le Raja Yoga est une technique spécifique de concentration méditative).
Concept de libération
Les deux traditions partagent l’objectif de libération de la souffrance et du cycle des renaissances. Le concept de « nirvana » dans le bouddhisme est comparable à celui de « kaivalya » (libération) dans le Raja Yoga (bien que ces deux concepts partagent une idée de libération, ils sont fondamentalement différents dans leur essence. Kaivalya dans le Raja Yoga représente la libération du soi individuel en tant que Purusha distinct de Prakriti, tandis que le nirvana bouddhiste implique l’extinction du soi et la cessation de l’attachement). Bien que les termes et certains aspects philosophiques diffèrent, l’idée fondamentale de transcender la souffrance et d’atteindre un état de liberté ultime est commune aux deux traditions.
Illustration: Patanjali (original author), Public domain, via Wikimedia Commons
Analyse de l’esprit
Le Raja Yoga et le bouddhisme proposent tous deux une analyse détaillée des états mentaux et des obstacles à la réalisation spirituelle. Les « kleshas » (afflictions) du Raja Yoga sont similaires aux « kilesas » (impuretés) du bouddhisme (le terme « klesha » est d’ailleurs utilisé dans les deux traditions, mais la classification et l’importance varient légèrement. Les cinq principaux kleshas de Patanjali ont une correspondance partielle avec les dix kilesas bouddhistes). Cette analyse approfondie des états mentaux reflète une compréhension partagée de l’importance de purifier l’esprit pour atteindre l’illumination.
Dans les Yoga Sutras, Patanjali identifie cinq kleshas principaux : l’ignorance (avidya), l’égoïsme (asmita), l’attachement (raga), l’aversion (dvesha) et la peur de la mort (abhinivesha). De manière similaire, le bouddhisme identifie des obstacles mentaux comme l’ignorance (avijja), le désir (tanha) et l’attachement (upadana).
Éthique et discipline
Les principes éthiques du Raja Yoga, notamment les yamas et niyamas, trouvent des échos dans les préceptes moraux bouddhistes. Par exemple, le concept d’ahimsa (non-violence) est central dans les deux traditions (il serait bon de mentionner que ahimsa est au cœur du jaïnisme également, ce qui indique que cette vertu éthique transcendait de nombreuses écoles de pensée en Inde à cette époque).
Les cinq yamas du Raja Yoga (non-violence, vérité, non-vol, continence et non-convoitise) sont remarquablement similaires aux cinq préceptes bouddhistes (s’abstenir de tuer, de voler, de mauvaise conduite sexuelle, de mensonge et d’intoxicants). Cette similitude souligne l’importance accordée à l’éthique comme fondement de la pratique spirituelle dans les deux traditions.
Structure du chemin spirituel
Le Noble Octuple Sentier du bouddhisme présente des parallèles avec les huit membres (ashtanga) du Raja Yoga. Les deux systèmes proposent une approche progressive de la pratique spirituelle, allant de l’éthique à la méditation et à la sagesse.
Par exemple, la « vue juste » et la « pensée juste » du Noble Octuple Sentier peuvent être comparées aux yamas et niyamas du Raja Yoga. De même, l' »effort juste » et l' »attention juste » du bouddhisme ont des correspondances avec les pratiques de pratyahara et dharana dans le Raja Yoga (attention cependant à ne pas simplifier ces comparaisons, car les préceptes du Noble Octuple Sentier sont enracinés dans une approche bouddhiste de la réalité qui diffère du Raja Yoga).
Concept du non-soi
Bien que le Raja Yoga admette l’existence d’un soi transcendant (purusha), sa conception de la nature illusoire de l’ego présente des similitudes avec le concept bouddhiste d’anatta (non-soi). (La différence ici est cruciale. Le bouddhisme nie l’existence d’un soi permanent, tandis que dans le Raja Yoga, purusha est considéré comme éternel et immuable. Il serait plus précis de dire que les deux traditions s’accordent sur l’illusion du moi empirique, mais leurs conclusions divergent sur la nature ultime de la réalité).
Certains chercheurs ont suggéré que les Yoga Sutras de Patanjali ont été influencés par des concepts bouddhistes, notamment dans leur structure et leur terminologie. (Il serait préférable de préciser que les influences textuelles restent sujettes à des débats académiques. Certains voient une influence bouddhiste, mais d’autres soulignent les racines profondément Samkhya et Védantiques des Yoga Sutras). Par exemple, le concept de nirodha (cessation) dans les Yoga Sutras est très similaire à son utilisation dans les textes bouddhistes.
Illustration: Dipesh Bhatta, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
De plus, l’école bouddhiste Yogacara, fondée par Asanga, s’appuie largement sur les pratiques du Raja Yoga. Cette école a codifié en détail les étapes du yoga, créant ainsi une véritable école bouddhiste du Raja Yoga. (Ceci est une simplification. L’école Yogacara a élaboré des pratiques méditatives et une psychologie de la conscience qui peuvent rappeler le Raja Yoga, mais elle reste fondamentalement bouddhiste, centrée sur la nature de la conscience et l’absence de soi). Cela montre comment les idées du Raja Yoga ont été intégrées et développées au sein de la tradition bouddhiste.
Que retenir de tout çà?!
L’influence du bouddhisme sur le développement du Raja Yoga est indéniable, bien que les deux traditions aient maintenu leurs caractéristiques distinctes. Cette influence mutuelle témoigne de la richesse des échanges spirituels et intellectuels dans l’Inde ancienne. (Ce paragraphe pourrait être reformulé pour reconnaître que si des influences mutuelles sont probables, les deux systèmes restent philosophiquement distincts et autonomes). L’étude de ces interconnexions permet une compréhension plus profonde des fondements de la méditation et du développement spirituel en Inde.