Le concept de Maya, pierre angulaire de la philosophie indienne, trouve ses racines dans les profondeurs de l’antiquité védique. Son émergence et son évolution reflètent la sophistication croissante de la pensée métaphysique indienne au fil des siècles.
Les premières traces du concept de Maya apparaissent dans les hymnes du Rig Veda, le plus ancien des textes sacrés hindous. Dans ce contexte primitif, Maya était souvent associée aux pouvoirs magiques des dieux, en particulier à la capacité d’Indra de créer des illusions. Cette conception initiale de Maya comme une force divine de création et de transformation allait jeter les bases de son développement ultérieur.
Au fur et à mesure que la pensée védique évoluait vers les Upanishads, le concept de Maya a pris une dimension plus profonde et plus abstraite. Dans ces textes philosophiques, Maya commence à être associée à l’illusion cosmique qui voile la véritable nature de la réalité. Les Upanishads présentent l’idée que le monde phénoménal, perçu par nos sens, n’est qu’une apparence trompeuse cachant une réalité ultime et immuable, le Brahman.
L’évolution de Maya s’est poursuivie dans les différentes écoles de pensée indiennes qui ont émergé par la suite. Dans le Samkhya, l’un des six systèmes orthodoxes de la philosophie hindoue, Maya est liée au concept de Prakriti, la nature matérielle primordiale. Le Yoga, étroitement lié au Samkhya, voit Maya comme un obstacle à surmonter dans la quête de la libération spirituelle.
Cependant, c’est dans l’école Advaita Vedanta que le concept de Maya a atteint son apogée philosophique (voyez: Maya dans l’Advaita Vedanta). Adi Shankara, le grand philosophe du 8ème siècle, a élaboré une théorie complexe de Maya comme principe explicatif de l’apparente dualité dans un univers fondamentalement non-duel. Pour Shankara, Maya n’était ni réelle ni irréelle, mais inexplicable (anirvacaniya) – un concept qui a profondément influencé la pensée indienne ultérieure.
Il est important de noter que l’évolution de Maya n’a pas été un processus linéaire ou uniforme. Différentes traditions et penseurs ont interprété et réinterprété ce concept de diverses manières. Par exemple, certaines écoles dualistes comme le Dvaita Vedanta ont rejeté l’idée de Maya comme illusion cosmique, préférant une vision plus réaliste du monde.
L’influence du concept de Maya s’est également étendue au-delà des frontières de l’hindouisme. Le bouddhisme, en particulier dans ses formes Mahayana, a développé des idées similaires sur la nature illusoire de la réalité, bien que sous des termes différents comme « shunyata (vacuité) ». (Voyez: Perspectives comparatives : Maya dans l’hindouisme et le bouddhisme)
L’évolution du concept de Maya témoigne de la richesse et de la profondeur de la pensée philosophique indienne. D’une simple notion de pouvoir magique divin, elle s’est transformée en un concept métaphysique complexe qui continue d’inspirer les penseurs du monde entier.
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