Agnisara Kriya, l’action de l’essence du feu

Le nom de cette kriya (ce qui signifie action) vient de Agni, ce qui signifie le «feu» en sanscrit et de Sara «essence». Soit, littéralement, l’action de l’essence du feu.

Article extrait de la Revue Yoga n°250 – mars-avril 1992  – André Van Lysebeth). Lisez également: Agnisara Kriya, la technique.

Ce sens s’éclaire un peu quand on se rappelle que, dans l’Ayurvéda comme dans le yoga, le feu dont il s’agit en l’occurrence est le feu digestif. Pour les anciens médecins ayurvédiques de même que pour les yogis, la digestion était un processus similaire à celui de la cuisson. C’est ainsi que dans l’ Ayurvéda, on attribue la cause d’innombrables maladies à une « mauvaise cuisson des aliments. » Et tous les initiés savaient que cela n’avait rien à voir avec le pot au feu, mais bien avec les phénomènes complexes de la digestion. Suite de l’article sous ces deux vidéos >>>


Pour ces anciens, si le feu digestif n’est pas très actif, les aliments ne seront pas correctement cuits (digérés) et cela conduira nécessairement à un mauvais fonctionnement de l’ensemble de l’organisme. Si le feu couve plutôt que de brûler d’une belle flamme bien vive, il faut l’activer et c’est à cela que le yoga s’applique à réaliser à l’aide de diverses pratiques, dont l’Uddiyana bandha, la rétraction abdominale, le Nauli, la manipulation des muscles grands droits du ventre, et l’Agnisara kriya qui nous intéresse aujourd’hui. Autrement dit, nous nous retrouvons en présence de notre tube digestif et de ses fonctions.

L’ancien texte yogique classique, la Gheranda Samhita précise: « Contractez cent fois le ventre pour repousser le nombril vers la colonne vertébrale. Agnisara Kriya produit de nombreux effets bénéfiques, élimine les maladies abdominales et attise le feu digestif. Cette technique est inconnue même des dévas (êtres supérieurs). Par la pratique d’agnisara kriya, on acquiert un corps sain et beau. ».

Cette citation nous renseigne à propos des résultats et de l’importance de la kriya, mais ne donne qu’une idée très vague de la technique à appliquer. Cela ne doit pas nous étonner, car ces indications étaient transmises directement du gourou au disciple. Les écritures étaient plus des « notes de cours» que de véritables ouvrages didactiques au sens où nous l’entendons.

La Gheranda Samhita nous apprend que, même à cette époque, cette kriya était très peu connue, puisque les «êtres supérieurs» ne la connaissent pas. Si cela peut nous consoler, cela nous apprend aussi qu’à cette époque lointaine, les problèmes digestifs existaient déjà, quoique sûrement moins généralisés qu’ils ne le sont de nos jours. Ces dysfonctions si communes touchent l’ensemble du système digestif, c’est-à-dire l’estomac, l’intestin grêle, le gros intestin mais aussi les glandes annexes : le foie, la vésicule, le pancréas, les reins, les surrénales.

Quand le feu digestif est très actif, les aliments se digèrent vite, donc ne traînent pas dans l’intestin pour y fermenter et y produire des autotoxines, mais aussi que le foie joue bien son rôle de filtre destructeur de toxines, d’usine chimique complexe : pensons à ceux qui ont le foie délicat et à tous les problèmes de santé qui sont les leurs. Quant au pancréas, il joue un rôle très important dans les processus digestifs, par ses sucs et hormones, pensons aux diabétiques et aux nombreux désagréments et servitudes que cette dysfonction leur occasionne.

Mais, quand le feu digestif est vif, ce ne sont pas seulement ses fonctions de prana vayu, c’est-à-dire l’assimilation, qui sont actives, mais aussi les fonctions en tant qu’apana vayu, c’est-à-dire d’élimination. Donc, si le feu digestif est bien vif, il n’y aura pas de constipation, les déchets métaboliques seront neutralisés et rejetés ce qui inclut aussi les excrétions rénales.

Pourquoi le feu digestif chez tant de civilisés est-il si peu actif, pourquoi le «poêle » tire-til souvent si mal ? Parce que la cheminée (la respiration) est incomplète et insuffisante, donc il est essentiel de veiller à respirer yogiquement, donc lentement et à fond, surtout en période de digestion. Pas immédiatement en sortant de table, mais en faisant une promenade digestive, par exemple. Pas de digestion correcte hors de la présence d’oxygène en quantité suffisante, tout comme pour un vulgaire poêle à bois. La digestion est une succession de processus d’oxydation, tout comme la combustion du bois. D’où on déduit que la comparaison ayurvédique de la digestion à un feu et une cuisson n’est pas si éloignée de la réalité purement chimique qu’on pourrait le penser.

Ce qui rend le système digestif paresseux, c’est surtout la sédentarité. Il est bien évident que la chaise n’encourage pas le tube digestif à être particulièrement actif, même si l’attitude assise elle-même est correcte, ce qui est loin d’être le cas général. L’immobilité en position assise tend à rendre l’organisme dans son ensemble paresseux, atone, peu actif. De cette paresse abdominale et général il résulte une foule de problèmes, dont la digestion lente, l’acidité stomacale se manifestant par des renvois désagréables, de la dyspepsie, des problèmes hépatiques, rénaux, plus la constipation, ce « mal du siècle », etc. Et c’est sur tout cela que Agnisara Kriya agit en attisant le feu digestif.

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