Avons-nous la permission de demander comment vous vous êtes réalisé?

Question: Avons-nous la permission de demander comment vous vous êtes réalisé ?

Maharaj: Dans mon cas, ce fut quand même très simple et facile. Avant de mourir, mon Guru,Siddharameswhar Maharaj, m’a dit : « Crois-moi, tu es la Réalité Suprême. Ne doute pas de mes paroles, ne sois pas incrédule. Je te dis la vérité. Sers-toi en. » Je ne pouvais pas oublier ses paroles et en n’oubliant pas – je me suis réalisé.

Q: Mais qu’étiez-vous en train de faire ?

M: Rien de spécial. Je vivais ma vie, exerçais mon commerce, voyais ma famille, et je consacrais chaque moment libre à me rappeler de mon Gourou et de ses paroles. Il mourut aussitôt après et je n’avais que sa mémoire sur laquelle me rabattre. C’était suffisant.

Lorsque j’ai rencontré mon Guru, il m’a dit: «Tu n’es pas ce pour quoi tu te prends. Trouve ce que tu es. Surveille l’impression «Je suis», trouve ton Soi réel. » Je lui ai obéi, parce que j’avais confiance en lui. J’ai fait ce qu’il m’avait dit. Je passais tous mes temps libres à me regarder en silence. Et quelle différence cela a fait, et combien vite ! Çà n’a pris que trois ans pour réaliser ma vraie nature. Mon Guru est décédé peu après que je l’ai eu rencontré, mais cela n’a fait aucune différence. Je me suis rappelé ce qu’il m’avait dit et j’ai persévéré.

Q: (un visiteur différent) – Dites-moi s’il-vous-plaît, quel est le plus court chemin vers la réalisation ?

M: Aucun chemin n’est court ou long, mais quelques personnes sont plus sérieuses et d’autres moins. Je peux vous parler de moi. J’étais un homme simple, mais je faisais confiance à mon maître. Ce qu’il m’a dit de faire, je l’ai fait. Il m’a dit de me concentrer sur «Je suis» – je l’ai fait. Il m’a dit que j’étais au-delà de tout ce qui est percevable et concevable – j’ai cru. Je lui ai donné mon cœur et mon âme, mon attention entière et tout mon temps libre (je devais travailler pour garder ma famille en vie). La foi et l’application sérieuse m’ont amené à réaliser mon Soi en moins de trois ans. Vous pouvez choisir n’importe quelle façon qui vous convient, votre sérieux déterminera la vitesse du progrès.

Q: Cela a dû être la grâce et le pouvoir de votre Guru ?

M: Ses paroles étaient vraies et ainsi elles se sont réalisées. Les mots vrais se réalisent toujours. Mon Guru n’a rien fait ; ses paroles ont agi parce qu’elles étaient vraies. Quoi que j’aie pu faire venait de l’intérieur, sans demande et sans attente.

Q: Le Guru a débuté un processus sans n’en prendre aucune part ?

M: Dis-le comme vous préfèrez. Les choses arrivent comme elles arrivent – qui peut dire pourquoi et comment ? Je n’ai rien fait délibérément. Tout est venu de lui-même – le désir de laisser aller, d’être seul, d’aller à l’intérieur.

Q: Vous n’avez donc fait aucun effort ?

M: Aucun. Croyez-le ou non, je n’avais même pas hâte de me réaliser. Il m’a seulement dit que je suis le Suprême et puis il mourut. Je ne pouvais tout simplement pas ne pas le croire. Le reste s’est produit de lui-même. Je me suis vu changer – c’est tout. À vrai dire, j’étais étonné.

Mais un désir de vérifier ses paroles se leva en moi. J’étais tellement certain qu’il ne pouvait avoir menti, que j’ai senti devoir réaliser l’entière signification de ses paroles ou bien mourir. Je me sentais assez déterminé, mais sans savoir quoi faire. Je passais des heures à penser à lui et à son assurance, sans argumenter, mais seulement en me rappelant ce qu’il m’avait dit.

Q: Que vous-êtes-t-il arrivé alors ? Comment avez-vous su que vous êtes le Suprême ?

M: Personne n’est venu me le dire. Ni même de l’intérieur. En fait, c’était seulement au début quand je faisais des efforts, que je passais à travers d’étranges expériences ; voyant des lumières, entendant des voix, rencontrant des dieux et déesses et conversant avec eux.

Dès que le Guru m’a dit : «Tu es la Réalité Suprême», les visions et les transes cessèrent et je devins très calme et simple.

Je me sentis désirant et sachant de moins en moins, jusqu’à ce que je puisse dire dans un étonnement complet: «Je ne sais rien, je ne veux rien».

Q: Étiez-vous réellement libre de désir et de connaissance, ou vous faisiez-vous passer pour un jnani d’après l’image qui vous fut donné par votre Guru ?

M: On ne me donna aucune image, pas plus que j’en avais une. Mon Guru ne m’a jamais dit à quoi m’attendre.

Q: Plus de choses peuvent vous arriver. Êtes-vous à la fin de votre voyage ?

M: Il n’y a jamais eu de voyage. Je suis, comme j’ai toujours été.

Q: Quelle était la Réalité Suprême à laquelle vous étiez supposée parvenir ?

M: Je n’étais pas désappointé, c’est tout. J’étais habitué à créer un monde et à le peupler – maintenant je ne le fais plus.

Q: Où demeurez-vous alors ?

M: Dans le vide au-delà d’être et de non-être, au-delà de la conscience. Ce vide est aussi plénitude ; ne me plaignez pas. C’est comme un homme qui dit : «J’ai fait mon travail, il n’y a plus rien à faire».

Je ne vois aucune différence entre vous et moi. Ma vie est une succession d’événements, tout comme la vôtre. Je suis seulement détaché et vois le spectacle passant comme un spectacle passager, tandis que vous demeurez collé aux choses et vous vous déplacez avec elles.

Ayant réalisé que je suis un avec, et cependant au-delà du monde, je suis devenu libre de tout désir et de peur. Je n’ai pas raisonné que je devrais être libre – je me suis retrouvé libre – subitement, sans le moindre effort. Cette liberté de désir et de peur est demeurée avec moi depuis lors. Une autre chose que j’ai remarquée est que je n’ai pas besoin de faire d’effort ; l’action suit la pensée, sans délai ni friction. J’ai aussi trouvé que les pensées deviennent auto-suffisantes : les choses tombaient en place doucement et correctement. Le changement principal fut dans l’esprit ; il devint immobile et silencieux, répondant rapidement, mais sans perpétuer la réponse. La spontanéité devint un mode de vie, le réel devint naturel et le naturel devint réel. Et par-dessus tout, une affection infinie, un amour, sobre et tranquille, rayonnant dans toutes directions, enveloppant tout, faisant tout devenir intéressant et joli, significatif et prometteur.

Q: Vous donnez une certaine date à votre réalisation, signifiant que quelque chose vous est arrivé à cette date. Que s’est-il produit?

M: L’esprit cessa de produire des événements. L’ancienne et incessante recherche s’arrêta – je ne voulais rien, n’attendais rien – n’acceptais rien comme m’appartenant.

(Entretien avec Nisargadatta Maharaj rapporté par Alain Porte et paru dans la revue Être éditée par Jean Klein)

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