La verticalité: acquis ou devenir?

Au regard de l’évolution des espèces, l’homo sapiens occupe une place spécifique et privilégiée de par sa position verticale et le développement cérébral associé: une capacité de raisonnement sophistiquée, l’émancipation de ses membres devenus supérieurs pour la seule activité de préhension et un langage élaboré associé à une phonation remarquable rendue possible par la forme coudée de son conduit vocal en sont quelques exemples.

A regarder de plus près, il semble souvent que cette soi-disant verticalité se fait au prix d’efforts considérables en raison des fermetures toujours très présentes des ceintures pelvienne et scapulaire, véritables « réminiscences d’une position quadrupédique ». De la position encore très antéversée du bassin, la colonne vertébrale s’élève, dit-on, avec des courbures harmonieuses assez prononcées, justifiées comme physiologiques afin de jouer un rôle d’amortissement tout à fait souhaitable lors de la marche. Il est surprenant toutefois de constater que cette justification repose sur un raisonnement défectueux. En fait, la simple observation d’un ressort-amortisseur déjà quasiment en bout de course conduirait immédiatement à penser à l’inefficacité de ce dernier quant à jouer le rôle qui lui est assigné. Il en est de même pour la colonne vertébrale: « ce ne sont pas ses courbures qui sont essentielles, mais sa capacité à se courber ». Cette capacité résultera de la présence de deux conditions aussi nécessaires l’une que l’autre: une position étirée de la colonne vertébrale dans laquelle les courbures sont à peine amorcées, mais indispensablement présentes, associée à une grande fluidité. « Les courbures dites physiologiques de la colonne vertébrale ne sont donc que la conséquence d’une position anti-physiologique du bassin » qui de par son antéversion prononcée ne peut pas vraiment jouer son rôle de contenant ainsi que le laisserait entendre la désignation sémantique et qui, de fait, ressemble plutôt à « une cuvette qui verse vers l’avant » […]

L’ensemble de la pratique posturale (offerte par un yoga bien pensé) conduit à améliorer la verticalité de la position, étirant certaines structures qui par leur résistance limitent considérablement ce redressement – tels les fléchisseurs de la hanche, les muscles lombaires, les muscles de la nuque, l’avant de la cage thoracique et de la partie de la colonne vertébrale correspondante – et tonifiant d’autres structures trop lâches – tel l’abdomen, le haut du dos et l’avant du cou.

De même la colonne vertébrale sera, par leur pratique, d’une part assouplie dans les différentes directions dans lesquelles elle peut être mobilisée afin d’acquérir sa totale fluidité, et d’autre part tonifiée: et la colonne s’érigera glorieusement.

(Extrait de la présentation de Patrick Tomatis de l’article « La verticalité: acquis ou devenir? » qui rassemble des textes de Nil Hahoutoff, publié dans la Revue Française de Yoga, n° 32, « Etre debout, marcher », juillet 2005)

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