Kaya sthairyam (immobilité et silence)

Kaya sthairyam est une des premières pratiques à maîtriser. C’est une pratique fondamentale de concentration sur la stabilité du corps.

Ce qui suit est une traduction libre d’un extrait de “Dharana Darshan » de Swami Niranjananda Saraswati, p.57 à 60, dans lequel il explique comment atteindre la stabilité physique du corps.

En sanskrit, le mot kaya signifie « corps » et sthairyam fait référence à la « stabilité ». En raison de l’interrelation entre le corps et l’esprit, lorsque le corps gagne en stabilité, l’esprit en fait de même. Par conséquent, toutes les pratiques de Dharana devraient commencer par cinq à dix minutes de kaya sthairyam. Ce n’est que lorsque le corps est absolument stable et immobile que la pratique proprement dite de Dharana peut commencer.

Dhāraṇā correspond dans les Yoga Sūtra de Patañjali au sixième membre (aṅga) du Yoga. C’est l’étape de la concentration de l’esprit avec arrêt du souffle, ou immobilisation de la pensée, obtenue par ekagrata : la fixation de la pensée en un seul point.

L’esprit ne peut demeurer concentré qu’à l’unique condition que le corps reste immobile. Dès qu’une partie du corps bouge, l’esprit se meut avec lui. Et une fois l’état de concentration perdu, il ne peut plus être restaurée au cours de la même séance. Pendant une pratique de Pratyahara (abstraction des sens), vous pouvez bouger le corps, vous pouvez changer de position, vous pouvez même vous lever puis revenir à la pratique. Dans la pratique de Dharana, au contraire, vous ne pouvez pas bouger ne fusse qu’un doigt, vous ne pouvez pas battre des paupières, vous ne pouvez même pas avaler votre salive sans briser l’état de concentration.

Avant de tenter de vous engager dans les pratiques de Dharana, le kaya sthairyam devrait être maîtrisé, c’est à dire que vous devriez être capable de vous asseoir sans bouger aucune partie du corps pendant au moins une demi-heure.

Au stade initial du kaya sthairyam, le corps doit être confortable et détendu dans la posture de méditation. A mesure que l’immobilité se développe et augmente, la conscience physique diminue progressivement, et la concentration est alors déplacée du corps vers la respiration naturelle. Puis, c’est la conscience de la respiration qui à son tour diminue, de sorte que ne demeure plus que la conscience (sans objet). À ce stade, vous êtes prêt pour débuter la pratique de Dharana.

Avec cette obtention d’une conscience stable, immobile et libre de tout obstacle corporel, et pas avant, vous pouvez commencer à porter la concentration sur l’objet de méditation. Si la pratique de Dharana est tentée alors que le corps est instable et que l’esprit fluctue, aucun bénéfice ne résultera de la pratique, même si vous la réalisez durant cent ans. Le seul résultat qui en découlera sera de la tension, de la frustration et un esprit déçu.

Technique

Étape technique 1 : Préparation
Asseyez-vous dans une posture de méditation confortable, de préférence sidhasana ou padmasana. Ajustez votre position pour n’avoir à bouger aucune partie du corps pendant la pratique. Assurez-vous que la colonne vertébrale est érigée avec la tête, le cou et les épaules légèrement portés en arrière. Placez vos mains sur les genoux en chin ou jnana mudra. Fermez les yeux. Prenez conscience de la respiration, lente et profonde, et comptez mentalement cinq respirations.


Étape 2 : Posture du corps
Amenez votre conscience vers le corps. Concentrez-vous sur votre posture de méditation. Sentez votre colonne vertébrale s’élancer du sol et soutenir la tête à son sommet. Soyez conscient de la position équilibrée des bras et des jambes, soyez  conscient du corps dans son ensemble.


Étape 3 : Visualisation du corps
Visualisez votre corps comme si vous l’observiez dans un miroir. Dans la posture de méditation, observez-le de face, de dos, depuis le côté droit, depuis le côté gauche, d’en haut. Voyez votre corps de tous les côtés simultanément.


Étape 4 : Arbre corporel
Soyez conscient de tout votre corps. Sentez-vous enraciné. Imaginez que du sol, votre corps s’élève comme un arbre (votre torse est le tronc, vos bras et votre tête sont les branches et vos jambes sont les racines). Votre corps, enraciné, est immobile.


Étape 5 : Sensations dans le corps
Soyez conscient de toutes les sensations physiques: froid, chaleur, caresse du vent, démangeaison, douleur, tension, raideur. Dirigez votre conscience vers ces sensations. Si votre esprit commence à vagabonder, ramenez-le à ces sensations du corps.


Étape 6 : Parties du corps
Dirigez votre attention vers la tête. Soyez conscient de la tête et de rien d’autre. Ressentez toutes les sensations de la tête. Visualisez la tête. Déplacez votre conscience vers le cou. Ressentez toutes les sensations du cou. Continuez à être conscient. Et continuez, déplacez votre conscience vers les épaules, vers le bras droit, le bras gauche, l’ensemble du dos, la poitrine, l’abdomen, la jambe droite, la jambe gauche et enfin visualisez et attachez-vous aux sensations de l’ensemble du corps. Soyez conscient de toutes les parties du corps, ensembles. Intensifiez votre conscience du corps. Puis recommencer, réaliser un autre tour en demeurant pleinement conscient.


Étape 7 : Immobilité du corps
Prenez la résolution suivante : « Je ne bougerai pas pendant toute la pratique. Mon corps ne bougera ni ne tremblera, il restera stable et immobile comme une statue. » Même si vous ressentez une envie de bouger un doigt ou un orteil, d’ajuster vos vêtements ou de vous gratter, surmontez cette envie. Lorsque le besoin de bouger se fait ressentir, dites-vous « Non, aucune partie de mon corps ne bougera avant la fin de la pratique. »


Étape 8 : Stabilité et immobilité
Soyez conscient, totalement et de manière continue, de votre corps physique, de votre posture de méditation, et de rien d’autre. Le corps est parfaitement stable et immobile. Développez le sentiment de stabilité. Soyez conscient de votre corps et de votre équilibre. Soyez conscient de votre corps et de votre immobilité. Votre corps est absolument stable et immobile. Soyez conscient de cette stabilité. Il n’y a aucun mouvement, aucun inconfort, seulement de la stabilité et du calme.


Étape 9 : Rigidité
Ressentez la stabilité et le calme du corps. Votre corps devient peu à peu raide, rigide comme une statue, tous les muscles sont ankylosés. Il devient si rigide que vous ne pouvez plus en bouger aucune partie, même si vous le tentiez. Conscience totale du corps, de l’immobilité, de la rigidité. Soyez conscient du corps et du calme.


Étape 10 : Conscience de la respiration
À mesure que le corps devient rigide et que vous commencez à perdre la conscience qui s’y rattache, portez votre attention sur la respiration. Prenez conscience de la respiration naturelle, sans l’altérer ni la modifier d’aucune façon. Observez simplement le souffle lorsqu’il entre et sort du corps. Soyez conscient et accompagnez chaque mouvement de la respiration. Aucun effort n’est requis. Lorsque le corps est absolument immobile, la respiration devient de plus en plus subtile, jusqu’à ce qu’il semble que vous ne respiriez plus qu’à peine.


Étape 11 : Étape de concentration
À mesure que la respiration devient imperceptible et que les fluctuation de l’esprit s’amenuisent, commencez à expérimenter la pure conscience. La respiration est responsable du mouvement de l’esprit et du corps. Lorsque la respiration devient subtile, l’esprit s’immobilise. C’est dans cet état que Dharana doit être pratiqué


Étape 12 : Fin de la pratique
Préparez-vous à mettre fin à la pratique. Prenez progressivement conscience du corps physique, de la posture de méditation. Ressentez le poids du corps sur le sol. Soyez conscient des mains posées sur les genoux. Soyez conscient de l’ensemble du corps physique. Soyez conscient de la respiration. Observez le souffle qui entre et sort. Inspirez profondément et chantez la syllabe Om à trois reprises.


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